systèmes d'aération
Temps de lecture :critères d’efficacité et comparaison des systèmes d’aération
Les systèmes d’aération équipant un bassin à boues activées ont un double but :
- apporter aux micro-organismes aérobies l’oxygène, généralement emprunté à l’air, dont ils ont besoin ;
- induire une homogénéisation et un brassage suffisants de façon à assurer un contact intime entre le milieu vivant, les éléments polluants et l’eau ainsi oxygénée.
Ces systèmes sont constitués le plus souvent d’un appareil ou d’un ensemble d’appareils placés dans un bassin de volume et de forme déterminés, réalisant simultanément ces deux fonctions.
Dans certains cas, les deux fonctions d’aération et de brassage sont indépendantes. Dans ce cas, on parle de système d’aération - brassage dissocié, dans lequel un mélangeur mécanique assure l’homogénéité du bassin en complément ou à la place de l’aérateur.
capacité d’oxygénation
Pour être exacte, la capacité d’oxygénation du système devrait être établie et contrôlée dans les conditions effectives d’utilisation, en présence de boues activées et avec un flux de pollution entrant. Toutefois, les mesures dans ces conditions sont très délicates à mettre en œuvre en particulier à cause de l’activité biologique et de la représentativité des points de mesure. C’est pourquoi l’efficacité d’un système est généralement évaluée en eau claire (voir norme EN 12255-15). La marge d’erreur se réduit ainsi de ± 5 % à ± 10 % suivant la configuration du bassin. Les mesures sont ensuite rapportées aux conditions standard, c’est-à-dire :
- en eau propre ;
- à la température de 20 °C ;
- à la pression atmosphérique normale de 1 013 mbar (pression à altitude nulle);
- à une teneur en oxygène dissous constante de 0 mg · L–1.
La méthode de mesure quasi généralisée est la ré-oxygénation du bassin. L’eau claire est préalablement désoxygénée par un excès de sulfite de sodium (Na2SO3) en présence de cobalt (catalyseur). Le système d’aération est ensuite mis en fonctionnement et la concentration en oxygène est relevée périodiquement. En procédant avec un fonctionnement figé de l’aération, la remontée de la concentration en O2 suit la loi (voir prétraitements).
Avec :
- C (mg · L–1) : concentration en oxygène ;
- KLa (h-1) : coefficient global de transfert, caractérise le transfert d’oxygène de la phase gazeuse (air) vers la phase liquide (eau) ;
- Cs (mg · L–1) : concentration d’oxygène dans l’eau à la saturation dans les conditions de l’essai.
Le passage des valeurs d’essai en eau claire aux valeurs en conditions standard nécessite l’application de plusieurs correctifs :
KLaS et CsS sont les valeurs de KLa et Cs dans les conditions standard.
Cs(20 °C) et Cs(T) : valeurs de la saturation en oxygène à la pression absolue de 1 013 mbar, respectivement à 20 °C (Cs(20 °C) = 9,09 mg · L–1) et à la température d’essai de l’eau (voir norme EN 25814).
Patm : pression atmosphérique dans les conditions de mesure, en bar.
T = température de l’eau dans les conditions de mesure en °C.
Les mesures de concentration en fonction du temps permettent de déterminer le coefficient global KLa à T°C puis KLaS.
L’apport horaire AH en kg · h–1 (ou SOTR : standard oxygen transfer rate) est le paramètre essentiel d’un aérateur. Il définit la quantité d’oxygène qu’il est capable d’apporter à la masse liquide dans les conditions standard. Il se déduit des mesures par la formule :
V en m3 : volume de la masse liquide.
critères de performances
L’apport spécifique brut, ASB ou SAE (standard aeration efficiency), représente la quantité d’oxygène transférée par unité de consommation d’énergie :
avec PA = puissance de l’ensemble des équipements participant à l’aération en régime établi en kW (brut électrique aux bornes du ou des moteurs).
L’ASB est particulièrement pertinente pour comparer les systèmes d’aération. Il est applicable quelle que soit la technologie utilisée, et est directement lié au coût d’exploitation de l’aérateur.
Le rendement d’oxygénation, RO ou SOTE ( standard oxygen transfer efficiency ), n’est valable que pour les systèmes à air sur-pressé. C’est le pourcentage de la masse d’oxygène effectivement dissous par rapport à la masse d’oxygène introduit dans un système à air sur-pressé. Il peut se calculer en adoptant une masse d’oxygène de 0,3 kg · Nm–3 d’air :
Q = débit d’air insufflé en Nm3 · h–1 (condition TPN, température d’air de 0 °C et pression atmosphérique de 1 013 mbar).
À noter l’utilisation souvent pratique d’un rendement spécifique ROs ou SSOTE ( standard specific oxygen transfer efficiency ) exprimé en % · m–1, qui consiste à ramener le rendement du diffuseur à sa profondeur d’immersion.
Le couple aérateur/bassin est indissociable et toute performance d’un système d’aération doit s’accompagner de la définition complète du couple. On sait en effet, par exemple, que les performances d’oxygénation peuvent être accrues dans des conditions exceptionnelles : forte puissance spécifique (par m3 de bassin) pour des aérateurs de surface ou des turbines de fond sur-pressées en air, ou faible débit d’air par diffuseur pour des systèmes à fines bulles.
comparaison des aérateurs – passage des conditions standard aux conditions effectives
La comparaison des aérateurs en eau claire n’est pas directement représentative des performances qui sont enregistrées dans les conditions réelles. En effet, le transfert de l’oxygène peut être grandement influencé par la nature de l’eau résiduaire, la qualité des boues, les conditions de fonctionnement hydraulique et biologique.
Dans les conditions courantes d’utilisation, il est d’usage d’utiliser un coefficient correcteur T à appliquer aux critères définis ci-dessus.
D’une façon générale, toutes les grandeurs mesurées ou évaluées en condition réelle sont notées avec un « ' ». Pour passer des conditions nominales aux conditions réelles d’utilisation, il faut appliquer un coefficient correcteur T, lui-même produit de trois coefficients
Tp : coefficient d’équivalence eau pure-liqueur
Appelé souvent a dans la littérature anglo-saxonne, il dépend de la nature de l’eau et, en particulier, de sa concentration en tensioactifs, graisses, matières en suspension (donc du type de traitement), et du système d’aération.
Td : coefficient de déficit en oxygène
Il compare le déficit en oxygène entre les conditions réelles de fonctionnement par rapport aux conditions standard.
L’apport d’oxygène est proportionnel au déficit d’oxygène Cs' – Cx.
Cs' : saturation en oxygène dans les conditions effectives influencée par :
- la salinité de l’eau ;
- la température (voir tableau 36 constantes caractéristiques des gaz) ;
- la pression atmosphérique.
Cx: teneur en oxygène de la liqueur, le plus souvent comprise entre 0,5 et 2 mg · L–1.
Cette expression simplifiée prend en réalité compte des conditions réelles régnant dans le bassin qui sont liées à la hauteur d’eau. Dans un système parfaitement agité, on constate que la concentration de saturation est supérieure à celle des tables qui sont données à pression atmosphérique, ce qui se traduit par l’ajout d’un coefficient KH, qui dépend de la hauteur de la colonne d’eau :
avec :
Patm : pression atmosphérique du site (exprimé en mCE) ;
g : accélération de la pesanteur ;
H : hauteur d’immersion des diffuseurs (m).
Dans les conditions standard, Cs est égal à 9,09 mg · L–1 et Cx est nul, donc Td = 1.
Tt : coefficient de vitesse de transfert
La température, en s’élevant, augmente la vitesse de transfert gaz-liquide. La correction est égale à Tt = 1,024T–20 où T est exprimée en °C.
On peut noter que si les coefficients Td et Tt sont indépendants du système d’aération, le coefficient d’échange Tp ne l’est pas pour sa part. De ce fait, les performances des différents dispositifs d’aération ne varient pas de la même façon lorsqu’on passe des conditions standard aux conditions effectives. La définition précise de Tp requiert des mesures délicates, préférablement effectuées dans une unité pilote d’épuration biologique de taille suffisante alimentée en eau résiduaire étudiée.
Le coefficient Tp est sensiblement plus faible dans le cas de diffusion d’air en « fines bulles » que dans celui de diffusion en « grosses bulles » ou de l’aération de surface.
La méthode exposée ci-dessus de passage des conditions standard aux conditions effectives est tout à fait convenable dans la mesure où les rendements d’oxygénation ne sont pas trop élevés (de l’ordre de 5 à 6 % · m–1) et les hauteurs d’eau modérées, en général 4-8 m. SUEZ utilise un programme informatique adapté, mis au point grâce à la modélisation d’un nombre très important d’essais d’oxygénation réalisés.
critères de comparaison
Le premier critère de comparaison des aérateurs est bien sûr fondé sur leurs performances d’oxygénation en terme d’apport horaire ou d’apport spécifique brut.
Mais la comparaison mérite d’incorporer également d’autres critères annexes qui, eux, sont difficilement chiffrables et ne peuvent être estimés que qualitativement :
- le brassage, qui doit assurer une bonne homogénéisation et permettre d’éviter les dépôts ;
- la souplesse de l’apport spécifique aux différents régimes de marche ;
- la fiabilité de tous les organes tels que réducteur, surpresseur, diffuseur, canalisation…
Il ne sert à rien, par exemple, qu’un aérateur présente d’excellentes performances d’oxygénation, si c’est au prix d’un brassage hydraulique insuffisant ou de risques de colmatage, dont le résultat serait une baisse de la capacité d’oxygénation ou la production de dépôts anaérobies dans le bassin.
aération par air surpressé
L’aération par air surpressé consiste à insuffler de l’air dans la masse liquide à des profondeurs pouvant varier de 1 m à 15 m, voire plus, selon le type de dispositif utilisé.
Les dispositifs utilisés se divisent en trois grands groupes, en fonction de la dimension des bulles produites
- grosses bulles (Ø > 3 cm) : cannes verticales, diffuseurs à larges orifices ;
- moyennes bulles (Ø 5 mm à 3 cm) : divers diffuseurs permettent de réduire la dimension des bulles libérées : clapets, petits orifices… ;
- fines bulles (Ø < 5 mm) : diffusion d’air au travers d’un corps poreux ou de membranes élastiques finement perforées.
Les valeurs comparatives annoncées ci-après sont des fourchettes usuellement rencontrées sur les installations dans des conditions classiques de fonctionnement.
rendement d’oxygénation
Le rendement d’oxygénation en eau claire d’un système donné varie en fonction de la profondeur d’insufflation d’air. L’augmentation de la profondeur augmente le temps de séjour des bulles d’air et, par voie de conséquence, le rendement de transfert. Dans le domaine des profondeurs de 3 à 8 m, le rendement est quasi proportionnel à la profondeur (attention cependant, sur les fortes hauteurs d’eau, le rendement peut devenir assez faible). Ceci permet de définir un rendement par mètre d’immersion. Selon le dispositif utilisé, le rendement varie entre :
- grosses et moyennes bulles : 2 à 3,5 % · m–1 ;
- fines bulles : 5 à 7 % · m–1.
Ces différences importantes en eau claire sont amoindries en conditions réelles (le coefficient Tp est en effet plus faible pour les fines bulles) :
- grosses et moyennes bulles : Tp varie entre 0,95 et 0,8 (ERU) ;
- fines bulles : Tp varie entre 0,75 et 0,5 (ERU).
Néanmoins, le gain énergétique final des fines bulles reste sensible et justifie généralement leur utilisation, malgré un coût d’installation plus élevé.
Le rendement d’oxygénation d’un système donné est influencé par plusieurs autres facteurs :
- la puissance spécifique. La tendance est inversée par rapport aux aérateurs de surface. L’augmentation de puissance est principalement due à l’augmentation de débit. Or, un débit d’air plus important induit non seulement une taille de bulles mais aussi une probabilité de coalescence des bulles plus importante et ainsi une diminution du rendement ;
- l’hydraulique induite par la disposition des diffuseurs (voir également brassage). Le rendement d’oxygénation est optimal dans une disposition plancher, par suite d’une très bonne répartition des bulles dans la masse liquide et d’un temps de séjour maximal (figure 1). La disposition en ligne ou spiral flow avec des zones ne comprenant pas d’aérateurs induit des mouvements hydrauliques de convection verticaux importants qui conduisent à une diminution de rendement de transfert de l’ordre de 25 % lié à la mise en rotation de l’eau ;
- la section transversale du bassin. En particulier, les chenaux ayant une section trapézoïdale présentent un rendement global amoindri par rapport à une section rectangulaire.
brassage
D’une façon générale, plus la hauteur d’eau est importante, plus le brassage d’un système à air surpressé est efficace. Il permet une bonne homogénéisation de toute la masse puisqu’il intéresse la totalité de la hauteur liquide.
- Disposition en plancher (figure 1) : cette disposition permet un brassage efficace moyennant un couple débit minimum/densité d’aérateur maintenu dans des limites acceptables. À cette condition, aucun dépôt n’est à craindre.
- Disposition en ligne ou spiral flow (figure 1 et photo 6) : cette disposition est particulièrement efficace car, par effet d’air lift, elle met toute la masse liquide en rotation. Les vitesses de balayage en fond de bassin sont importantes. Cela permet d’assurer un bon brassage pour une quantité d’air réduite à condition de respecter un rapport hauteur liquide/distance au voile dans une fourchette de 0,5 à 1,5.
- Dissociation aération-brassage : en aération alternée, des agitateurs doivent assurer le maintien en suspension de la liqueur mixte pendant les périodes d’arrêt de l’aération. Les agitateurs les mieux adaptés sont les agitateurs lents de grand diamètre. Ils sont souvent insérés dans des bassins en boucle fermée de forme annulaire ou oblongue de façon à diminuer les pertes de charge. Ainsi, une vitesse de circulation minimale de 30 cm · s–1 peut être obtenue avec seulement 1,5 à 5 W · m–3 suivant les tailles et géométries de bassin.
Pour des boues activées traitant des ERU et suivant la présence ou non d’une décantation primaire, la puissance de brassage requise est assurée pour des taux d’aération minimum variant de 2 à 6 Nm3 · h–1 d’air par m2 de surface liquide de bassin, dépendant de la hauteur d’eau et de la densité de diffuseurs.
diffuseur fines bulles à membrane souple
Dans ce diffuseur, de forme tubulaire (photo 2) ou discoïde (photo 3), la diffusion d’air en fines bulles est réalisée par une membrane élastique mince déformable, perforée de nombreuses fentes. Ces fentes s’ouvrent sous l’effet de la pression d’air mais se referment dès l’arrêt de celui-ci, évitant tout retour de boues dans le diffuseur et le réseau. Ce point essentiel en fait l’aérateur idéal pour les systèmes d’aération-brassage dissociés. Le mode de perforation original permet d’obtenir un bon rendement d’oxygénation de 20 à 25 % sous 4 m d’eau dans les conditions standard, ce rendement pouvant dépasser 30 % à faible débit.
Leur ASB est compris entre 2,5 et 4 kgO2 · kWh–1 en eau claire, et l’ASB' de l’ordre de 1,6 à 2,4 kgO2 · kWh–1 en condition réelle.
Les Flexazur sont montés sur des réseaux de fond de conception fixe ou relevable en matières plastiques ou en acier inoxydable. Ils peuvent être installés dans des bassins jusqu’à 11 m de profondeur. Suivant utilisation, leur durée de vie classique se situe entre 6 et 10 ans.
Les principaux avantages du diffuseur fines bulles à membrane souple sont :
- haut rendement d’oxygénation ;
- arrêt de l’aération sans précaution particulière ;
- maintenance des diffuseurs sans arrêt du bassin d’aération dans le cas de rampes relevables ;
- construction des supportages en matériau non corrodable ;
- remplacement aisé du diffuseur ou même de la membrane seule.
Avant l’apparition de ces diffuseurs, des disques de type poreux ou céramique étaient utilisés, surtout en aération continue. Dans le cas d’arrêt des machines des productions d’air, la boue colmatait ce type de diffuseur et le rendait impropre aux fonctionnements intermittents.
diffuseur Vibrair
Ce sont des diffuseurs d’air en moyennes bulles, adaptés à des conditions de service difficiles : boues contenant beaucoup de fibres, hydrocarbures, graisses… qui colmateraient rapidement les aérateurs de type fines bulles.
Le Vibrair (photo 4) est constitué d’un corps en polyéthylène moulé sur lequel vient s’appliquer un clapet vibreur. Les déplacements incessants du clapet empêchent son bouchage. Cette disposition originale autorise un faible débit d’air et donc un grand nombre de points d’introduction dans la masse liquide, ce qui favorise le rendement d’oxygénation et le brassage.
Il s’installe sur un réseau de fond illustré sur la photo 5.
Les débits unitaires sont et de 2 à 10 Nm3·h–1, avec une perte de charge de l’ordre de 20 mbar.
Le rendement spécifique d’oxygénation des Vibrair est de 2 à 3,6% · m-1, pour un ASB de 1,6 à 2,1 kgO2 · kWh–1 et un ASB' de 1,4 à 1,7 kgO2 · kWh–1 en boue.
Le Vibrair, malgré des rendements d’aération inférieurs à ceux des aérateurs fines bulles, présente certains avantages sur ceux-ci :
- perte de charge non évolutive ;
- rusticité et longévité (> 10 ans) ;
- application en eaux résiduaires industrielles : bassin d’aération, mais aussi bassin tampon brassé à l’air…
diffuseur Oxazur
Ce sont des diffuseurs d’air en moyennes bulles, particulièrement adaptés à une disposition en plancher, et développés pour les réacteurs à cultures fixées sur lits granulaires (photo 6).
La diffusion de l’air est réalisée par un orifice de 1 mm de diamètre environ. Cet orifice est percé dans une membrane élastique moulée, en élastomère spécial, logée dans un corps en polypropylène. Cette membrane est déformable, le diamètre pouvant être multiplié par 2 sous l’action d’un courant d’eau, ce qui permet régulièrement de s’assurer de l’absence de tout colmatage par film bactérien de l’orifice de soufflage.
Le débit d’air par diffuseur est d’environ 1 à 2 Nm3 · h–1 pour une perte de charge de l’ordre de 50 mbar. Le rendement d’oxygénation nominal d’un réseau Oxazur, favorisé par la très bonne répartition de l’air dans la masse granulaire, est de 15 à 25 % sous 4 m d’immersion.