destination finale des boues: optimisation globale eau et boues
Temps de lecture :Une station d’épuration, quelle que soient sa taille, son objectif de qualité et sa filière, produit des boues : leur quantité est liée à la nature même du procédé (primaire, physico-chimique, biologique).
Seule l’intégration sur la filière boue de procédés avancés de réduction de la fraction organique et d’amélioration du degré de déshydratation des boues peut permettre la réduction de quantité de boue produite par l’usine de traitement.
Les filières de traitement de boues sont largement décrites aux chapitres traitement des boues liquides et traitement des boues déshydratées, mais il appartient au concepteur de trouver un optimum global en privilégiant une filière de traitement des eaux en fonction de la typologie des boues qu’elle produit et de leur adéquation aux destinations finales possibles (figure 1 du chapitre filières générales du traitement des boues).
Pour simplifier l’exposé, car la liste des combinaisons de filières eau/boues serait forcément incomplète, on peut dégager de grandes tendances à partir de la classification de boues évoquée au chapitre caractérisation des boues/classification voir tableau 60 «classification de boues » qui montrent que :
- les boues de station d’épuration sont essentiellement organiques hydrophiles et donc l’élimination de leur eau interstitielle n’est jamais facile ;
- bien qu’à aussi forte teneur en matières organiques, la présence d’une fraction de boues primaires agit positivement sur leur aptitude à une déshydratation et sur leur PCI (pouvoir calorifique), et milite pour les filières intégrant une réduction et une valorisation des matières organiques, comme par exemple la digestion anaérobie et/ou la destruction des matières organiques, comme par exemple l’incinération.
Ce n’est donc qu’une fois la destination finale de la boue choisie que l’on peut définir la meilleure combinaison de boues produites, et par voie de conséquence la filière de traitement d’eau la mieux adaptée. Il faut donc souvent procéder par approximations successives.
On peut citer un exemple simple, une filière pour zone sensible où l’on privilégierait une simplification du traitement de l’azote avec un procédé en une seule étape en faible charge. Celle-ci produirait des boues très hydrophiles, donnant en déshydratation de faibles siccités (de l’ordre de 18 à 22 %) alors qu’une filière comportant une décantation primaire permettrait de plus fortes siccités.
Le concepteur dans un premier temps pensait ainsi avoir simplifié et réduit le coût de la station. Mais il devra lors compléter la filière boues pour atteindre des siccités fixées (ajout de chaux pour obtenir 30 à 40 % par exemple) en vue d’une évacuation en décharge ou en agriculture, ou, pire, consentir à l’achat de fuel annexe pour les autres filières de traitement des boues (incinération, séchage, pyrolyse).
De fait, tout bilan global lui montrera que, dans ces derniers cas, la voie « très faible charge » n’est pas optimale. Il lui faudra donc explorer d’autres procédés pour la filière eau.
Ceci explique que, pour les grandes installations modernes (comme celles du SIAAP dans ses réalisations d’Achères et de Valenton), la décantation primaire se soit imposée, même si les boues mixtes produites obligent à prévoir une stabilisation complémentaire (digestion anaérobie) pour évacuer ces boues sans risque de nuisance et de fermentation.
En revanche, elles possèdent des PCI élevés favorables aux procédés thermiques.
Pour tendre de plus en plus vers l’autosuffisance énergétique des stations d’épuration, la définition des scénarii de destination finale est l’étape essentielle pour une conception la mieux optimisée de la filière boue. La recherche de l’autosuffisance énergétique de la file boue (exemple : digestion anaérobie + séchage thermique + incinération) autorise une valorisation énergétique des boues qui sera déterminante pour compenser les dépenses énergétiques liées au traitement de la filière eau et contribuer de façon positive au bilan de fonctionnement de l’usine de traitement.
D’une manière générale, en Europe, sachant que :
- la valorisation agricole est de plus en plus discutée ;
- la mise en décharge interdite à terme pour les boues (déchets fermentescibles), les principales solutions envisageables sont la valorisation énergétique ou les valorisations agricoles très bien contrôlées (produits stables, de composition garantie et désinfectés…).
Aussi la tendance observée est pour :
- les petites stations : la voie la plus raisonnable reste une valorisation agricolelocale avec souvent une stabilisation à lachaux (sauf envoi des boues vers une plateforme de regroupement des boues déshydratées) ;
- les grandes et moyennes stations : soit directement une valorisation énergétique, soit une panoplie de solutions permettant à l’exploitant de choisir la ou les voies les plus favorables. Le séchage est alors un point de passage, pas obligatoire, mais souvent incontournable :
- il permet de minimiser le coût de transport vers toutes destinations extérieures ;
- il ouvre la voie à une valorisation agricole parfaitement contrôlée allant jusqu’à la complémentation par des engrais chimiques assurant des formulations NPK garanties ;
- il ouvre également la voie vers les valorisations énergétiques sur site (incinération dédiée, gazéification) mais aussi co-incinération (ordures ménagères, cimenterie, centrale thermique…).
Les retours en tête dela filière Boues mais également de la filière eau ont aussi une incidence sur le traitement de l’eau et leur importance, tant en charge ( MES, DBO, DCO, NT et PT ) qu’en débit, et doivent être pris en compte dans le dimensionnement de l’installation. C’est particulièrement le cas :
- des installations de biofiltration produisant des eaux de lavage qui sont :
- soit réinjectées directement en tête de l’étage primaire ;
- soit traitées séparément dans une filière d’épaississement ;
- on conçoit que dans les deux cas, l’incidence sur l’ensemble de la filière ne sera pas la même, l’épaississement intermédiaire évitant les à-coups de charge (retours de MES principalement) et même de débit (l’épaississement imposant d’étaler ceux-ci) ;
- des digestions de boues (retours de MES, de NH4+ et de P). Dans le cas où l’installation comporte une déphosphatation par voie biologique, de nombreux auteurs ont écrit qu’une digestion anaérobie était exclue car risquant de relarguer l’essentiel du PT. En fait, des phénomènes de re-précipitation fixent souvent une grande partie du phosphore dans les boues, ce qui permet d’utiliser une digestion anaérobie avec une déphosphatation biologique (voir cultures libres (boues activées)).
Dans de grandes installations telles que El Trebal Mapocho (Santiago) ou Csepel (Budapest), un traitement séparé des retours de digestion peut encore améliorer leur filière respective, pour éliminer soit l’azote (procédé Cyclor-SBR utilisant une biomasse de type Anammox), soit le phosphore (précipitation physico-chimique sur un effluent concentré, procédé utilisant la précipitation forcée de struvite en side stream ou mainstream).