cultures libres (boues activées)
Temps de lecture :présentation et historique
La date de naissance du procédé est probablement le vendredi 3 avril 1914, quand deux chercheurs anglais, Edward Ardern et William Lockett, présentent à la Société de chimie industrielle de Londres un compte rendu de leurs travaux intitulés « Expériences sur l’oxydation des eaux d’égout sans intervention de filtres ».
Les stations par boues activées comportent essentiellement (figure 8) :
- un bassin dit d’aération dans lequel l’eau à épurer est mise en contact avec la masse bactérienne épuratrice ;
- un clarificateur dans lequel s’effectue la séparation de l’eau épurée et la concentration de la culture bactérienne ;
- un dispositif de recirculation assurant le retour vers le bassin d’aération des boues biologiques récupérées dans le clarificateur ;
- un dispositif d’extraction et d’évacuation des boues en excès, c’est-à-dire du surplus de culture bactérienne synthétisée à partir du substrat ;
- un dispositif de fourniture d’oxygène ;
- un dispositif de brassage de ce même bassin, afin d’assurer au mieux le contact entre les cellules bactériennes et leur nourriture, de favoriser la diffusion de l’oxygène partout où il en est besoin et d’éviter les dépôts. Très fréquemment, le même dispositif est utilisé pour l’aération et le brassage.
Dans les systèmes dits de « réacteur biologique séquentiel » (RBS), les divers stades : aération – décantation sont effectués par bâchées dans le même ouvrage d’abord aéré et brassé puis non aéré donc en décantation. Il ne s’agit donc que d’une variante des boues activées. Cette technologie particulière est décrite en détail à la section réacteurs biologiques séquentiels.
Une station d’épuration par boues activées est communément caractérisée par sa charge massique (exprimé en kg DBO5 · kg–1MV · j–1) et celle-ci permet de classer les différents procédés (voir page 2).
Jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, le dimensionnement des stations d’épuration est resté très prudent. Ce n’est qu’après que se développent les systèmes à forte charge et l’utilisation de bassins combinés (ex. : Aeroaccelator, Oxyrapid), les procédés de « Biosorption ou Contact stabilisation »… qui réduisent considérablement les coûts d’investissement mais au détriment de la facilité d’exploitation et de la qualité de l’effluent.
Actuellement, la recherche de rendements d’épuration élevés et la nécessité d’éliminer l’azote et le phosphore renouvellent l’intérêt des traitements à faible charge. Mais avant de décrire ceux-ci, la figure 9 reprend un schéma d’une station complète à boues activées traitant le carbone, l’azote et le phosphore.
Il définit les principaux paramètres et leur notation influençant le dimensionnement et l’exploitation de la station et met en évidence les relations entre ceux-ci. Par la suite, nous utiliserons les notations employées sur cette figure.
influent/effluent
Q, débit d’alimentation et de rejet (souvent appelé débit traversier) (en m3 · j–1) et Qr le débit de retour de la filière de traitement des boues
Concentration des polluants (X entrée, Z sortie) :
XMES, concentration de l’eau en MES : (une faible partie des MES sont inertes ou absorbées sans dégradation dans les flocs bactériens).
réacteur biologique
V1, V2, V3, volume des différents bassins ba1, ba2, ba3(en m3)
Le schéma présente ici la configuration Anaérobie + Anoxie + Aération pour le traitement du carbone, azote et phosphore.
Dans le cas du traitement du C et N uniquement, une configuration en anoxie et aération est adaptée. Se référer aux différents schémas présentés dans les procédés biologiques pour visualiser l’ensemble des configurations de N/DN possibles.
Dans le cas du traitement du carbone seul, la présence d’un bassin aération est seule nécessaire.
Cba1, Cba2, Cba3, concentration de la biomasse MS (liqueur mixte) dans les bassins correspondants (en g · L–1)
Ici on a Cba1 = Cba2 = Cba3
Dans le cas de configurations à alimentation étagée ou de bioréacteurs à membranes, les concentrations de chacun des bassins sont différentes.
Cbav, concentration de la biomasse ( MV ) dans les bassins correspondants (en g · L–1).
Charge massique, Cm, généralement exprimée en kg DBO5 · kg–1MES · j–1 ou kg DBO5 · kg–1MV · j–1
Temps de séjour hydraulique, tsh, de l’eau dans les bassins (en h)
Âge de boues aérées, A, soit le temps moyen de résidence des boues en aération (en j)
Pour garantir la nitrification, A doit être supérieur à une durée minimale fonction de la température.
Temps de séjour moyen des boues, tsb ou At, âge de boues total (en j)
Taux de recirculation de liqueur mixte en anoxie, RLM (en %) dans la configuration dénitrification
Rendement de dénitrification, ρDN
Dans un schéma anoxie-aération, la concentration d’eau traitée ZNO3 est identique à la concentration recirculée par les liqueurs mixtes et par les boues. En considérant que le dimensionnement de la zone anoxie permet de dénitrifier la totalité des nitrates recirculés, on obtient le rendement maximum de dénitrification :
si RLM = 200 % et Rbr = 100 %, alors ρDN maximum possible = 75 %
clarificateur
Rbr, taux de recirculation des boues (en %)
Soit Q·Rbr, Débit de boues recirculées (m3·j–1)
Cbr, concentration d’extraction des boues du clarificateur
d’où si on adopte un taux de recirculation des boues de 100 % alors Cbr = 2 · Cba
QEX, débit des boues en excès (m3 · j–1)
À noter : QEX faible devant Q · Rbr
eau traitée
Q, débit d’eau traitée en négligeant QEX
ZMES en mg · L–1, généralement entre 10 et 30 mg · L–1
ZDBO5, ZDCO en mg · L–1 d’oxygène
ZNK, ZNH4, ZNO3 en mg · L–1 exprimées en N
ZPT, ZPO4 en mg · L–1 exprimées en P
traitement des boues
QR, débit des retours de boues de la filière traitement des boues (en m3·j–1) contenant de la pollution en MES, DBO5, DCO, NH4, NO3, P qui doit être prise en compte en tant que pollution supplémentaire à l’entrée de la décantation primaire ou de la biologie.
relations de base pour l’élimination de la pollution carbonée
Elles conduisent à l’utilisation de coefficients caractéristiques qui dépendent de la nature du substrat et de l’état physiologique de la biomasse défini principalement par l’âge des boues total ou aéré seulement.
besoins en oxygène et production de boues en excès
Lorsque la matière organique biodégradable est consommée par une masse de micro‑organismes en milieu aérobie, il y a :
- d’une part, consommation d’oxygène par ces micro‑organismes pour leurs besoins énergétiques, leur reproduction par division cellulaire (synthèse de la matière vivante) et leur respiration endogène (auto‑oxydation de leur masse cellulaire) ;
- d’autre part, production d’un excédent de matière vivante et de matière inerte appelé boues en excès.
Il est difficile de connaître expérimentalement la concentration active Cbaa des boues activées ; en revanche, on peut mesurer la concentration en matières volatiles Cbav et celle en MS totales (minérales et organiques) Cba.
Pour illustrer ces différents phénomènes, la dégradation d’une molécule totalement biodégradable, le glucose, peut être prise comme exemple. Le glucose est dans un premier stade transformé grâce à un apport complémentaire d’azote assimilable en protéine cellulaire, dont la formule globale sera assimilée à C5H7O2N.
Dans un second stade, cette protéine est dégradée dans la cellule même pour fournir l’énergie d’entretien. On peut écrire schématiquement ces deux réactions :
- Synthèse
- Auto-oxydation ou respiration endogène
Dans l’exemple précédent, l’oxydation complète des six molécules de glucose a donc demandé 36 molécules d’oxygène. Ces 36 molécules correspondent à la DCO des six molécules de glucose, ou encore à leur DBO ultime. Sur les 36 molécules d’oxygène, 16 ont été utilisées pour la synthèse et 20 pour la respiration endogène.
On appelle au la fraction de la DBO ultime utilisée pour la synthèse
On appelle au la fraction de la DBO ultime utilisée pour l’oxydation complète de la matière vivante
Le paramètre amu masse de cellules formées par masse de DBO ultime éliminée peut être, quant à lui, assimilé à un rendement cellulaire. Dans le cas précédent :
Donc pour dégrader 1 g de DBO ultime, on synthétise 0,39 g de matière vivante.
application à la détermination des besoins en oxygène
Les besoins en oxygène sont de deux natures :
- besoins pour la synthèse bactérienne. Ils s’expriment sous la forme
- besoins pour la respiration endogène.
Il a été vu que sur une station, la totalité de la masse de bactéries synthétisées n’est pas oxydée en CO2 et H2O. Seule une fraction bu des 4 C5H7NO2 synthétisés sera transformée en CO2 et H2O. Autrement dit, seule une fraction b’u des 20 O2 nécessaires à l’oxydation complète de la matière vivante est à fournir
Les besoins globaux seront donc égaux à a’u · DBO ultime éliminée + b’u · masse de matière vivante
Dans les calculs, ces besoins en oxygène sont exprimés en kg par jour ou par heure (pointe).
Les valeurs habituellement utilisées sont par commodité :
- a' relative à la DBO5 et non à la DBO ultime ;
- b' relative à la masse de matière volatile (voire parfois de matière totale) et non à celle de matière vivante.
application à la détermination de la production de boues en excès
Comme déjà vu, la production de boues biologiques fait intervenir deux facteurs :
- la production de biomasse lors des réactions de synthèse ;
- la consommation d’une partie de cette biomasse lors des réactions de respiration endogène.
La biomasse produite lors de la synthèse est exprimée par : am x DBOu éliminée.
La respiration endogène quant à elle consomme : b · masse de MV.
Cette production de boues est exprimée en kg de MES par jour. Il faut lui ajouter la quantité de matières en suspension non biodégradables, minérales (Sm) et volatiles (Svi) contenues dans l’effluent brut et retenues dans les flocs biologiques. Cette quantité peut représenter une proportion importante de la production totale des boues en excès, en particulier en cas de rapport élevé MES/DBO5 de l’eau brute.
La production globale de boues en excès s’exprime par conséquent par la formule :
S’y ajoutent les boues autotrophes, en cas de nitrification et les boues physico-chimiques, en cas de déphosphatation chimique simultanée.
Par commodité, le coefficient am est exprimé par rapport à la DBO5 (et non la DBO ultime) et le coefficient b l’est par rapport à la matière volatile (et non la matière vivante).
En épuration biologique d’ ERU, les courbes de la figure 10 donnent en fonction de la charge massique et du rapport MES / DBO une première approximation de la production de boues biologiques du système à une température voisine de 15 °C.
paramètres de fonctionnement d’un réacteur biologique
Parmi les paramètres de fonctionnement d’une station présentée figure 9, quatre ont une importance fondamentale : la charge massique, l’âge des boues, l’indice de décantabilité des boues et l’aération.
charge massique
La charge massique représente la masse de nourriture entrant quotidiennement dans le réacteur par rapport à la masse de boue présente dans ce réacteur. Elle s’exprime habituellement en kg DBO5 · kg–1MV · j–1.
Elle conditionne pour une boue activée :
- son rendement épuratoire : les faibles charges massiques correspondant à des rendements épuratoires élevés, les fortes charges massiques correspondant à des rendements plus faibles ;
- la production de boues biologiques en excès : à faible charge la respiration endogène étant, de par la limitation en substrat, plus importante qu’à forte charge, la production de biomasse résultante est plus faible ;
- le degré de stabilisation des boues en excès produites : une respiration endogène poussée conduisant à une biomasse bien « minéralisée », les procédés à faible charge se caractérisent par des boues en excès moins fermentescibles ;
- les besoins en oxygène ramenés à la pollution éliminée : l’importance de la respiration endogène à faible charge conduit à des consommations d’oxygène, rapportées à la pollution éliminée, supérieures à celles obtenues en forte charge.
Il est fréquent d’utiliser une autre notion de charge : la charge volumique. On appelle charge volumique Cv, la masse de nourriture entrant journellement par unité de volume de réacteur.
Il est courant de classer les différents procédés par boues activées suivant la valeur de la charge massique ou volumique à laquelle ils fonctionnent (tableau 4).
âge des boues
L’âge de boue total At est le rapport entre la masse de boues présentes dans le réacteur et la masse journalière de boues produites par la station.
La production journalière de boues biologiques en excès (PBE) a été donnée au niveau des cultures libres (boues activées).
L’âge des boues est donc inversement proportionnel à la charge massique.Cette notion d’âge de boues est particulièrement importante car elle traduit l’état physiologique des micro-organismes : les coefficients respiratoires a' et b', vus précédemment, lui sont étroitement corrélés (figure 11). En outre, l’âge de boues conditionne la présence ou l’absence de germes nitrificateurs (cultures libres (boues activées)).
décantabilité des boues
Le bon fonctionnement d’une station de boues activées repose sur celui du bassin d’aération, mais également sur celui du clarificateur. Pour que ce dernier puisse séparer efficacement la biomasse de l’eau traitée, cette biomasse doit être correctement floculée.
Les micro-organismes présentent la propriété, dans certaines conditions, de s’agglomérer en flocs. On parle alors de biofloculation.
Durant la phase de croissance exponentielle, les bactéries restent dispersées dans le milieu de culture. Au moment du passage en pse ralentie, elles s’agglomèrent en flocons de couleur brunâtre d’aspect déchiqueté pouvant atteindre couramment quelques millimètres.
Vus au microscope, ils ont fréquemment un aspect ramifié en « doigts de gant ». Les bactéries y apparaissent englobées dans des substances d’aspect gélatineux. Le floc subsiste en phase de métabolisme endogène, mais si on suit l’évolution du pourcentage d’organismes libres, non associés au floc, en fonction de l’âge de la boue, on peut établir que le minimum se situe dans une fourchette comprise entre un et deux jours. Au‑delà de vingt jours, bien que la décantabilité reste bonne dans l’ensemble, on peut observer un début de défloculation qui se traduit par une diminution de la taille du floc et une augmentation du nombre de petites particules échappées à ce floc (floc en tête d’épingle).
Inversement, en dessous de un jour, le floc très hydrophile décante plus mal et le nombre de micro-organismes libres augmente très rapidement.
La biofloculation est un phénomène complexe. À l’heure actuelle, il est bien établi :
- qu’elle est contrôlée par l’état physiologique des cellules ;
- qu’elle n’est pas le privilège d’une seule espèce, mais correspond à un comportement assez répandu dans la microflore banale ;
- que l’effet essentiel est lié à l’excrétion de polymères parmi lesquels les polysaccharides jouent un rôle particulier.
Un moyen simple et pratique d’apprécier l’aptitude d’une boue à la décantation est de déterminer son indice de boue (IB) (voir différents types de décantation)
aération
L’apport d’oxygène dans une eau se fait par contact intime entre l’air dispersé sous forme de bulles au sein du liquide et l’eau. À l’interface des deux fluides, la couche limite se sature en oxygène dès sa formation, en même temps que s’amorce la diffusion des gaz vers les couches d’eau plus éloignées.
La quantité d’oxygène qui diffuse par unité de temps est
KLa est appelé coefficient de transfert (voir bases théoriques de l'échange gaz-liquide).
Partant de cette équation, on définit la capacité d’oxygénation (CAP.OX.) d’un système d’aération comme étant la quantité d’oxygène exprimée en g · m–3 fournie à l’eau pure en une heure, à une teneur d’oxygène constante et nulle, une température de 20 °C et une pression atmosphérique de 1 bar.
L’importance du transfert dépend :
- de la valeur de l’aire interfaciale entre l’air et l’eau et du renouvellement de celles-ci et donc de la taille des bulles et de leur turbulence ;
- du gradient d’oxygène entre l’air et l’eau (Dc) ;
- du temps disponible pour la diffusion de l’oxygène.
Les valeurs optimales, pour ces conditions, sont toutefois soumises à des limites physico-techniques.
Le coefficient de transfert de l’oxygène KLa, toutes choses égales par ailleurs, est fonction :
- de la nature de l’eau (eau propre ou eau usée contenant des matières en suspension ou dissoutes dont des tensioactifs) ;
- du système d’aération employé ;
- de la géométrie du réacteur.
La dimension des bulles dépend du système d’aération choisi (voir procédés biologiques). Elle a une limite inférieure car la bulle d’air qui s’échappe d’un orifice sous l’eau a un diamètre bien supérieur à celui du pore ou de la fente dont elle est issue : pratiquement, les bulles formées à partir des systèmes d’aération par corps poreux ou par membrane aératrice ont un diamètre de l’ordre du millimètre. Des bulles plus fines ne peuvent être obtenues que par détente de l’eau saturée d’air sous pression (procédé utilisé pour la flottation) mais beaucoup trop coûteux pour l’aération d’une boue activée. Les dispositifs mécaniques génèrent en général des bulles plus grosses que les systèmes poreux ou à membranes.
En général, la comparaison des systèmes d’aération se fait d’après leur capacité d’oxygénation (kg O2 transféré par m3 d’eau pure et par heure) ; on peut aussi exprimer l’apport spécifique d’un système par la quantité d’oxygène fournie par kWh dépensé.
On précise au chapitre procédés biologiques les calculs nécessaires pour déterminer cette CAP. OX suivant le site (température – altitude) les équipements choisis (type d’aérateur, profondeur des bassins…) et les procédés choisis.