filtration lente
Temps de lecture :Parfois désignée par son acronyme anglo-saxon SSF (Slow sand filtration), ses premières applications remontent à la première moitié du XIXe siècle (ex. : Chelsea, 1829). À une époque où les eaux de surface étaient peu polluées et les normes beaucoup moins sévères, la filtration lente apparaissait comme un traitement « écologique » avant la lettre, imitant la nature dans son processus de production des eaux de source, car l’eau percolait dans un milieu filtrant sans qu’aucun produit chimique ne lui ait été administré.
Dans la conception initiale de ce traitement, l’eau brute subit un prétraitement uniquement physique (micro-tamisage, ou préfiltration rapide sur gravier et/ou sur sable dans des « préfiltres » éventuellement précédés de « dégrossisseurs »), puis est envoyée sur des filtres « finisseurs » où elle percole à une vitesse de l’ordre de 5 m · j–1 (autrement dit, les filtres rapides modernes fonctionnent 30 à 50 fois plus vite, sinon davantage) ; la filtration lente ne met parfois en œuvre que des bactéries (en particulier dans les pays froids où, en outre, les bassins sont couverts), mais le plus souvent, après un certain temps de maturation, il se développe à la surface du sable une biocénose complexe, composée d’algues, de bactéries et de zooplancton (ce dernier ne jouant guère qu’un rôle de prédateur et de facteur limitant des deux premiers) ; dans ce milieu (appelé membrane biologique, ou schmutzdecke dans les textes anglo-saxons), il s’établit une symbiose complexe entre algues et bactéries (rappelant celle d’une lagune naturelle, voir différents types de lagunage) :
Globalement, on peut résumer ainsi les divers modes d’action de la biomasse d’une filtration lente :
- rétention mécanique et effet de tamisage, dans deux milieux successifs : la membrane biologique et le sable lui-même ;
- biofloculation par les exopolymères sécrétés par les algues et les bactéries ;
- oxydation bactérienne, grâce à l’O2 dissous présent dans l’eau brute et à celui produit par les algues : nitrification de l’azote ammoniacal, minéralisation des MO biodégradables ;
- complexation (métaux lourds), bioaccumulation (détergents, pesticides), métabolisation (phénols, pesticides) ;
- élimination des bactéries pathogènes par concurrence vitale, biofloculation, prédation, antibiose (certaines algues vertes, comme Chlorella ou Scenedesmus, étant capables de sécréter des substances bactéricides).
La perte de charge évolue très lentement du fait de la faible vitesse de filtration et les filtres sont lavés en moyenne une fois par mois. Le lavage est le plus souvent manuel (en utilisant des lances d’eau sous pression), parfois mécanisé (décapage). Après lavage, la qualité de l’eau filtrée n’est pas toujours satisfaisante et il faut alors la laisser couler à l’égout en attendant que la membrane biologique se reforme, ce qui demande quelques jours.
La filtration lente donne de bons résultats de clarification, tant que l’eau brute demeure peu chargée en MES et que l’on respecte une faible vitesse finale de filtration, mais dès que l’eau devient chargée, les dégrossisseurs et les préfiltres ont une efficacité insuffisante et la turbidité de l’eau traitée peut monter bien au-delà de la limite fixée par les normes si l’on ne réduit pas encore la vitesse de filtration. En outre, ces filtres sont sensibles aux fortes concentrations en algues planctoniques dans l’eau brute (blocage en surface), certaines espèces s’avérant particulièrement colmatantes (ex. : la diatomée Asterionella, figure 6 et l’algue verte Pediastrum, figure 7 du micro-organismes dont l'eau douce est l'habitat naturel ).
De plus, des filtres lents travaillant sur une eau de surface chargée en matières organiques et en polluants chimiques peuvent donner une eau présentant encore des mauvais goûts et des concentrations résiduelles inadmissibles en micropolluants (phénols, détergents, pesticides) ; ainsi, le rendement d’élimination des pesticides organochlorés n’est que de 50 % environ. Les métaux lourds sont, eux aussi, incomplètement retenus.
En outre, la filtration lente n’est plus généralisable, du fait de la surface de terrain et de la main-d’œuvre qu’elle requiert. Elle reste cependant toujours envisageable :
- pour de petites stations isolées en climat chaud ;
- en bassin d’infiltration pour réalimenter une nappe souterraine à partir d’une eau de rivière prétraitée (ex. : installation de SUEZ à Croissy-Le Pecq, voir l'introduction du traitement des eaux potables) ;
- en combinaison avec des traitements modernes lorsqu’elle existe déjà, sur une ancienne station que l’on veut rénover, comme on l’a vu ci-avant (voir l'historique et caractères généraux) ; elle devient alors un simple stade de post-clarification et/ou de pré-affinage, inséré dans une filière plus complexe.