pollution et eutrophisation
Temps de lecture :généralités
Dans son acception la plus générale, le terme pollution désigne toute modification du milieu naturel qui s’exerce dans un sens défavorable sous l’effet des activités humaines.
Plus spécifiquement, la pollution des eaux est le fait de divers types de rejets, ponctuels ou diffus, qui apportent au milieu soit des calories (pollution thermique), soit des substances minérales ou organiques (pollution chimique), soit des micro-organismes pathogènes (pollution microbienne).
En ce qui concerne plus spécialement la pollution chimique, il peut s’agir :
- soit de substances déjà présentes dans le milieu naturel ; la pollution est alors estimée par rapport à un niveau de référence antérieur : c’est typiquement le cas des éléments nutritifs qui accélèrent le phénomène naturel d’eutrophisation (voir pollution et eutrophisation) ;
- soit de substances qui n’existent pas dans la nature (ex. : certains métaux lourds et isotopes radioactifs ; les micropolluants organiques, voir impuretés organiques).
Dans de nombreux pays, le suivi de ces phénomènes est assuré grâce à la mise en place de réseaux de surveillance mettant en œuvre des capteurs et des analyseurs de paramètres physiques et physico-chimiques, ainsi que des prélèvements de flore et de faune destinés à détecter la présence d’espèces indicatrices du bon état du milieu ou au contraire de sa dégradation (bio-indicateurs).
Au sein de l’Union Européenne, les États membres sont soumis à une directive cadre (datée du 23 octobre 2000), axée sur l’évaluation, la reconquête (à l’horizon 2015, si possible) et le maintien de la qualité écologique des eaux. En France, l’élaboration de systèmes d’évaluation de la qualité des eaux (SEQ) est déjà engagée depuis 1992. Leurs responsables effectuent un suivi permanent de l’état écologique de l’ensemble des milieux aquatiques continentaux (cours d’eau, plans d’eau, eaux souterraines, littoral), à partir de composantes biologiques, physiques et chimiques (pour lesquelles un réseau de mesures en continu a été constitué à l’échelle nationale).
Trois types d’évaluation sont ainsi réalisés :
- SEQ-Physique pour l’aspect hydrologique (cours d’eau) ;
- SEQ-Eau pour l’aspect physico-chimique ;
- SEQ-Bio pour l’aspect biologique.
L’exercice de la police des eaux à l’échelle européenne se fera désormais sur la base de tels résultats.
eutrophisation des lacs
À l’origine, ce terme caractérisait un phénomène naturel d’évolution des lacs, qui peut se résumer de la façon suivante :
- un lac jeune et profond est oligotrophe : les eaux y sont bleues et transparentesþ; l’oxygène dissous est présent jusqu’au fond ; la biomasse est peu abondante ;
- au cours de son « vieillissement », le lac s’enrichit en matières organiques, à cause de sa production primaire photosynthétique (algues) et des apports extérieurs naturels ; il devient alors successivement mésotrophe puis eutrophe (étymologiquementþ: « bien nourri ») ; on y constate les phénomènes suivants : diminution de la profondeur par comblement progressif, coloration des eaux (vert à brun), transparence réduite, biomasse plus importante, abondance d’algues planctoniques dans les couches supérieures (épilimnion), déficit en oxygène dans les couches profondes (hypolimnion) qui s’enrichissent en revanche en éléments à l’état réduit et dissous (fer, manganèse, H2S, NH4). Le terme final est l’étang, le marécage, la tourbière…
Le passage d’un type au suivant demande un temps très long, qu’on peut estimer en milliers d’années. Mais ce processus naturel a été accéléré au point de devenir dans de nombreux cas perceptible à l’échelle d’une vie humaine. Cette situation est le résultat des activités riveraines, qui apportent aux eaux stagnantes de la matière organique et des éléments fertilisants : azote et surtout phosphore (agriculture, produits ménagers ou industriels). Elle existe parfois dès la création du plan d’eau (ex. : retenues de barrage mises en eau sans élimination de la végétation terrestre préexistante). L’apparition, puis la prédominance de Cyanobactéries dans la population photosynthétique constitue l’un des indicateurs les plus usuels d’une tendance vers l’eutrophisation.
Les conséquences de cette eutrophisation artificielle (assimilable à une pollution, comme on l’a vu plus haut) peuvent être désastreuses pour le tourisme et la pêche ; d’autre part, le coût du traitement de potabilisation de l’eau s’en trouve considérablement augmenté, du fait des équipements et des réactifs nécessaires pour éliminer les organismes eux-mêmes ou les produits de leur métabolisme, ainsi que les composés chimiques réduits présents dans l’eau de l’hypolimnion.
On peut lutter contre l’eutrophisation des plans d’eau :
- par des mesures curatives : oxygénation, déstratification, lutte chimique (ex. : emploi de sel de cuivre comme algicide) ou biologique ;
- par des mesures préventives, comme le détournement des effluents par un collecteur de ceinture (ex. : lac d’Annecy) ou par une dérivation ;
- par un traitement poussé dans les stations d’épuration (diminution des MES, élimination de l’azote et surtout du phosphore) qui s’y déversent.
Accumulant tout ce que l’on y rejette, les eaux stagnantes sont par ailleurs vulnérables à toutes les autres formes de pollution : il faut donc les protéger particulièrement.
cas des cours d’eau
Même si la définition complète de l’eutrophisation ne s’applique pas aux cours d’eau, beaucoup d’entre eux souffrent de certaines des manifestations décrites plus haut, en particulier de développements excessifs d’algues planctoniques (ex. en France : la Loire), suivis parfois d’implantations envahissantes de Macrophytes. Pour les rivières importantes, on étudie ces problèmes en subdivisant le cours d’eau en sous-bassins, auxquels on applique des modèles prévisionnels tenant compte de l’hydrologie, de la météorologie, des apports ponctuels et diffus… Comme pour les lacs et les retenues de barrages, c’est la déphosphatation des effluents qui constitue l’un des moyens de lutte prioritaires.
Quant au phénomène de pollution des rivières, il peut être caractérisé par de nombreux bio-indicateurs ; en France, après avoir longtemps utilisé le système des saprobies, puis les indices biotiques, on emploie maintenant des indicateurs normalisés :
- Indice biologique global normalisé ou IBGN (NF T 90-350, décembre 1992) : comme les indices biotiques cités plus haut, dont il dérive, mais complété par un système expert, il repose sur une analyse de la macrofaune benthique (vers, mollusques, crustacés, larves d’insectes…) ; toutefois, il s’applique mal aux grands fleuves, pour lesquels un Indice biologique global adapté (ou IBGA) a été mis au point : ce dernier prend en compte la dispersion géographique des espèces ;
- Indice biologique diatomées ou IBD (NF T 90-354, juin 2000) : il consiste en une analyse de la flore diatomique benthique (prélevée sur tout support immergé), qui est sensible aux altérations chimiques du milieu (matière organique, N et P, minéralisation, pH…).
Ces indices sont exprimés par une note comprise entre 0 et 20 et conduisent à distribuer les eaux entre cinq classes de qualité.
Avec d’autres indices (poissons, macrophytes, oligochètes, oiseaux…), ces méthodes permettent d’évaluer la qualité biologique d’un cours d’eau et son évolution dans le temps et/ou dans l’espace, l’effet perturbateur d’une pollution par comparaison entre l’amont et l’aval d’un rejet (disparition d’espèces sensibles, apparition d’espèces tolérantes, diminution du nombre des espèces, augmentation du nombre d’individus dans chaque espèce), l’efficacité d’un traitement d’effluent, une tendance vers l’eutrophisation… Le système d’évaluation SEQ-Bio cité plus haut utilise ces bio-indicateurs.
pollution des nappes souterraines
Les cas de contamination concernent surtout des nappes peu profondes (phréatiques, alluviales, karstiques…). Grâce à la présence universelle d’une faune aquatique souterraine (crustacés, protozoaires…) pouvant atteindre des profondeurs de plusieurs centaines de mètres, un indice global spécifique de ce milieu est à l’étude.