réutilisation des eaux usées
Temps de lecture :La réutilisation des eaux usées est un enjeu politique et socio-économique pour le développement futur des services d’eau potable et d’assainissement à l’échelle mondiale. Elle présente, en effet, l’avantage majeur d’assurer une ressource alternative permettant de limiter les déficits en eau, de mieux préserver les ressources naturelles et de palier aux pénuries d’eau engendrées par les changements climatiques. D’ores et déjà, certains pays, états et grandes métropoles (Australie, Californie, Chypre, Espagne, Floride, Israël, Jordanie, Malte, Singapour...) ont des objectifs ambitieux de satisfaire de 10 à 30%, voire jusqu’au 60% de leur demande en eau par la réutilisation des eaux usées épurées.
L'irrigation agricole était, est et restera le plus grand consommateur d'eau recyclée avec de nombreux avantages et bénéfices bien reconnus, notamment la contribution à la sécurité alimentaire.
La réutilisation et le recyclage interne des eaux usées industrielles sont devenus une pratique courante pour beaucoup d’industries, avec de nouvelles tendances comme l’objectif ambitieux de zéro rejet liquide et la réutilisation de l'eau inter-secteur, comme par exemple l'utilisation des eaux usées urbaines à des fins industrielles.
La réutilisation de l'eau en milieu urbain est caractérisée par un développement rapide en raison de son rôle crucial pour la ville durable du futur. En plus de l’irrigation urbaine d’espaces verts, d’autres applications prennent de l’importance comme les usages industriels (nettoyage, lutte contre les incendies, tours de refroidissement, etc.), le recyclage en immeuble et les usages environnementaux pour le maintien et la restauration des plans d’eau, des rivières et des zones humides.
La recharge de nappe, l’alimentation de réservoirs pour la production indirecte d’eau potable, voire la réutilisation directe d’eau ultra-pure pour accroître l'approvisionnement en eau, ont été mis en œuvre comme une solution durable aux défis des déficits hydriques croissants que certains pays devront affronter dans les 20 prochaines années.
irrigation agricole et d’espaces verts
L’agriculture représente le plus grand consommateur d’eau, soit environ 70% de la demande mondiale. Dans certains pays arides et semi-arides, l’eau recyclée fournit la plus grande partie de l’eau d’irrigation. En plus du facteur conventionnel de pénurie chronique d’eau, le besoin de ressources alternatives a été accéléré au cours des dernières années par des sécheresses de plus en plus sévères et répétitives, qui se produisent non seulement dans les zones traditionnellement arides aux États-Unis, la région méditerranéenne, du Moyen-Orient et en Asie du Sud, mais aussi dans un certain nombre de régions tempérées, e.g. en Europe et en Amérique du Nord.
La réutilisation des eaux usées en agriculture est une pratique millénaire qui a été développée par les anciennes civilisations et qui a été utilisée également jusqu’au 20ème siècle comme système d’épuration des eaux usées dans les champs d’épandage. En fait, le sol représente un filtre efficace avec jusqu’à une ou deux tonnes de micro-organismes « épurateurs » par hectare. Les eaux usées apportent non seulement de l’eau pour les cultures, mais aussi contribuent à l’amélioration des rendements par l’apport de nutriments.
A l’heure actuelle, l’intérêt principal de la réutilisation des eaux usées en agriculture est de pallier aux déficits hydriques et d’augmenter les rendements de la production agricole par un apport adéquat d’eau d’irrigation. Pour maintenir la production alimentaire, les efforts techniques et de recherche des dernières années ont été ciblés plutôt sur l'efficacité de l'irrigation par le développement des systèmes d’irrigation localisée (e.g. goutte-à-goutte) et/ou des réseaux équipés de capteurs et pilotés par ordinateur. Cependant, l'efficacité d’irrigation seule ne suffit pas à résoudre les problèmes de déficits hydriques et l’apport d’une ressource alternative par la réutilisation des eaux usées devient une priorité de développement pour nombreux pays et régions.
Le principe de base de la réutilisation agricole de l'eau est l’exigence d’un traitement adéquat des eaux usées municipales jusqu’à un niveau de qualité spécifique au type d’usage. Il est à noter qu’outre les avantages bien connus, l'utilisation d'eau recyclée pour l'irrigation peut avoir des impacts négatifs pour la santé publique et pour l'environnement qui dépendent du niveau de traitement, des conditions locales et des pratiques d'irrigation. Dans tous les cas, les connaissances scientifiques existantes, les retours d’expérience et les bonnes pratiques permettent de réduire les risques par la mise en œuvre d’une planification efficace, d’une sélection technologique appropriée et d’une gestion rigoureuse des pratiques d'irrigation.
Les principaux risques liés à la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation peuvent être classés en trois catégories :
- Risques sanitaires,
- Risques agronomiques et environnementaux,
- Risques opérationnels de dégradation de la qualité de l’eau recyclée dans les systèmes de distribution et de colmatage des équipements d’irrigation.
Par principe, la majorité des normes plus récentes exigent au minimum un traitement biologique des eaux usées destinées à la réutilisation de l’eau pour l’irrigation. Dans certains cas, comme au Mexique par exemple, la priorité peut être donnée à la préservation de la valeur fertilisante des eaux usées par un traitement primaire avancé (e.g. coagulation, floculation et décantation lamellaire), suivi de filtration ou/et de désinfection pour l’élimination prioritaire de la pollution microbiologique, tout en préservant le carbone et les nutriments pour les cultures irriguées.
Un traitement tertiaire complémentaire est souvent indispensable pour les usages à haut risque sanitaire, comme par exemple l’irrigation de cultures maraîchères consommées crues et l’irrigation d’espaces verts. Une filtration complémentaire est également nécessaire pour éviter les dépôts dans le système de distribution et/ou de réduire le risque de colmatage des dispositifs d’irrigation, notamment les buses d’aspersion et les systèmes goutte-à-goutte.
Le développement et la mise en place de nouvelles filières de traitement des eaux usées pour l’irrigation a contribué également à l’amélioration de la qualité esthétique de l’eau recyclée - avec l’élimination des problèmes d’odeurs et de coloration des eaux recyclées - qui a freiné plusieurs projets en raison d’une perception négative de la part des usagers.
contrôle des risques sanitaires
Le risque majeur pour la santé publique associé à l'irrigation avec de l'eau recyclée est la contamination par des microorganismes pathogènes, notamment des virus, des bactéries, des helminthes et des protozoaires. Comme a été souligné par l’Organisation Mondiale de la Santé ( OMS ) dans ses lignes directrices pour l'utilisation des eaux usées dans l'agriculture de 2006, un risque de transmission d’infections existe lorsque les conditions suivantes sont remplies:
- La population, les ouvriers agricoles ou les animaux sont exposés à des agents pathogènes dans l'eau recyclée par contact direct ou indirect dans les zones irriguées ou en consommant des cultures contaminées;
- Le nombre d'agents pathogènes ingéré est plus élevée que la dose infectieuse;
- L'hôte devient infectée;
- L'infection résulte dans un déclanchement de maladie et / ou d’une transmission de pathogènes à d'autres personnes ou des animaux.
Par conséquent, le principal objectif des mesures de protection de la santé publique dans les projets de réutilisation de l'eau est d'empêcher les deux premières conditions de se produire. Cela signifie que des pratiques appropriées doivent être appliquées pour réduire le nombre de pathogènes dans l'eau recyclée, ainsi que de mettre en œuvre plusieurs barrières et d'autres mesures visant à réduire la probabilité de contact avec les micro-organismes qui sont potentiellement infectieux. Le choix de ces bonnes pratiques pour la protection de la santé humaine et animale dépend des conditions locales et des préoccupations économiques.
Les mesures principales de contrôle des risques sanitaires pour l'irrigation avec de l'eau recyclée comprennent les quatre groupes suivants de bonnes pratiques :
- traitement des eaux usées et contrôle de la qualité lors de la distribution et de stockage;
- contrôle de l'application des eaux usées par le choix de méthodes d'irrigation appropriées et des pratiques culturales;
- la restriction du type de cultures irriguées et restriction de l’accès publique, notamment pour l'irrigation d’espaces verts;
- d’autres mesures, y compris le contrôle de l'exposition humaine (e.g. mesures de protection des ouvriers agricoles comme gants, masques, etc.), des mesures de récolte, l'éducation du publique concerné et la promotion de bonnes pratiques d'hygiène.
Le traitement des eaux usées est unanimement reconnu comme la mesure la plus efficace pour réduire les risques sanitaires associés à l'utilisation d'eau recyclée pour l'irrigation. Pour cette raison, toutes les réglementations nationales ou internationales fixent ou recommandent un niveau de qualité que le traitement des eaux usées doit assurer en fonction de l'usage prévu et du degré de risque. Le degré de risque dépend de plusieurs facteurs, y compris l’état sanitaire endémique local, les méthodes culturales, les conditions climatiques, le risque de contact direct, la faisabilité économique, etc.
Durant les dernières années, plusieurs pays et états fédéraux ont inclus le recyclage de l’eau dans leur politique nationale de gestion des ressources en eau avec des règles, des obligations et des incitations financières. En plus d’un niveau de qualité par rapport aux indicateurs microbiologiques et physico-chimiques, certaines normes préconisent également des filières de traitement et des barrières complémentaires pour réduire les risques sanitaires.
En 2006, OMS a révisé d’une manière intégrale ses recommandations de 1989 pour l’irrigation agricole avec des eaux usées traitées en s’inspirant de l’approche des normes australiennes de risque sanitaire contrôlé. Les valeurs guides ont été maintenues au même niveau, permettant ainsi de limiter les risques sanitaires à un niveau acceptable pour la protection de la santé publique, mais avec des nouvelles notions de barrières complémentaires ce qui assure la viabilité économique des projets de réutilisation.
Les Etats-Unis sont considérés comme le leader mondial dans la réutilisation des eaux usées, avec la première réglementation adoptée en 1918 en Californie, suivi de plusieurs révisions dont la dernière datant de décembre 2000. Au niveau fédéral, l’Agence de l’Environnement des Etats-Unis (USEPA) a révisé en 2012 ses recommandations de 2004, en conservant principalement deux niveaux guides de qualité des eaux recyclées et les recommandations d’un meilleur suivi des filières de traitement.
Dans la majorité des normes et réglementations, le principe de précaution est appliqué pour les usages à haut risque, comme par exemple l’irrigation de cultures consommées crues et l’irrigation sans restrictions des espaces verts en milieu urbain, comme illustré par le tableau 36.
contrôle des risques agronomiques et environnementaux
En règle générale, les risques environnementaux sont surtout des risques chimiques agronomiques liés à la présence potentielle dans l’eau recyclée des éléments traces, de métaux lourds et des micropolluants organiques. Les mesures préventives pour la protection des risques sanitaires sont plus que suffisants pour protéger les sols, les eaux de surface et les eaux souterraines.
Les risques environnementaux pour la pollution des ressources en eau sont, par principe, prises en compte dans les réglementations sur la protection des zones de captage pour la production d’eau potable et pour la protection des zones sensibles.
Par conséquent, et comme démontré par l’état de l’art, les risques agronomiques majeurs sont comme suit :
- salinité excessive du sol qui affecte la transpiration et la croissance des cultures sensibles. Le risque de salinisation des sols est important dans les zones arides et peut être évalué par le suivi de la concentration des matières dissoutes, de la conductivité électriques et des chlorures.
- excès de sodium qui dégrade la structure des sols argileux et qui peut provoquer une diminution de sa perméabilité. En plus d’une quantité excessive de sodium échangeable, cet effet nocif est favorisé aussi par un pH élevé et une faible conductivité électrique.
- toxicité pour les cultures liée surtout aux concentrations élevées de bore, de sodium et des chlorures, ainsi que parfois de certains éléments traces (y compris des métaux lourds) apportés le plus souvent par des effluents industriels. La toxicité affecte la croissance des plantes, comme en témoigne l’apparition de brûlures et/ou la perte des feuilles.
- excès d’azote qui peut affecter l’équilibre de nutriments des cultures et la qualité des eaux de surface ou souterraines.
Du fait que le traitement des eaux usées n’a pas d’effet sur ces composés chimiques, la meilleure solution consiste dans le contrôle à la source des rejets d’effluents salins, de l’intrusion d’eau de mer dans les réseaux d’assainissement, de l’usage de détergents contenant du bore et des rejets industriels.
Les bonnes pratiques d’irrigation avec de l’eau recyclée pour le contrôle des risques agronomiques consiste dans la combinaison de plusieurs mesures préventives ou correctives, y compris :
- Sélection d’une méthode d'irrigation adéquate,
- Choix approprié des cultures irriguées qui ont une tolérance adéquate du sel, du bore, du sodium et des chlorures,
- Pratiques de gestion des sols appropriées (préparation, amendements, etc.),
- Lessivage et drainage suffisant du sol pour drainer l'eau et évacuer les sels en excès,
- Calendrier adéquat pour faire à la fois l'irrigation et le lessivage,
- Bonne utilisation des engrais.
contrôle de la qualité de l’eau recyclée dans les systèmes de distribution et d’irrigation
Le principal problème lié à la distribution des eaux usées épurée est la dégradation potentielle de la qualité microbiologique, en particulier dans les climats chauds et les réseaux de distribution à longueur importante. Pour cette raison et pour les usages à haut risque sanitaire, il est recommandé de maintenir un résiduel de chlore pour empêcher la croissance bactérienne. Par contre, la concentration de chlore résiduel ne doit pas dépasser 0,5-1 mg/L pour éviter les effets toxiques sur des plantes sensibles.
La présence de matières en suspension dans l’eau recyclée induit des risques de dépôts dans les réseaux, de dégradation organoleptique de la qualité de l’eau et de colmatage des systèmes d’irrigation localisée. Pour pallier à ces inconvénients, les bonnes pratiques d’entretien des réseaux de distribution incluent des purges hydrauliques périodiques, voire un nettoyage mécanique en cas de dépôts important.
Il faut noter que les systèmes d’irrigation goutte-à-goutte nécessitent souvent une filtration complémentaire après stockage et des protocoles de nettoyage spécifiques avec des produits chimiques.
usages industriels
Un des plus grands potentiels pour la réutilisation de l'eau est de compléter ou de remplacer l’utilisation d’eau potable et/ou de ressources naturelles pour les industries. L'industrie est le deuxième plus grand consommateur d'eau après l'agriculture avec environ 25% de la demande mondiale.
En règle générale, la diminution de la demande en eau en industrie, et jusqu’à la clôture du cycle de l'eau industrielle, comprend trois stratégies d'économie d'eau et de minimisation des rejets d’eaux usées :
- (1) La réutilisation en cascades, impliquant la réutilisation directe avec peu ou sans traitement ;
- (2) Le recyclage des eaux usées après un traitement approprié ;
- (3) La réduction à la source des eaux usées en diminuant le besoin d'eau des processus industriels.
La réutilisation et le recyclage interne des eaux usées industrielles sont des pratiques bien établies. Leur potentiel de développement devrait augmenter dans le future avec la croissance des déficits en eau et des coûts d'approvisionnement en eau fraîche, ainsi que en raison des exigences réglementaires de rejet de plus en plus strictes.
La réutilisation de l'eau est traditionnellement pratiquée depuis des années dans les industries pétrolières, textiles, automobiles, de production de pâtes et papier, de production d'énergie, ainsi que plus récemment dans les industries électroniques et alimentaires.
Bien qu'il existe un large éventail de types de réutilisation de l’eau en industrie, les principaux usages sont :
- systèmes de refroidissement en circuit ouvert ou fermé,
- eau de lavage,
- alimentation de chaudière,
- eaux de process,
- divers autres usages comme la protection contre l'incendie, le nettoyage, etc.
Les exigences et les domaines d'application du recyclage de l'eau en industrie diffèrent en fonction du type d'industrie, des procédés industriels spécifiques, ainsi que de leurs objectifs de performances. Pour cette raison, il est impossible de généraliser les exigences de qualité de l'eau recyclée utilisée comme eau de process.
eau de refroidissement
La préoccupation sanitaire majeure de l'utilisation d'eau recyclée dans les tours de refroidissement est le risque d'inhalation potentielle d'agents pathogènes par les aérosols. Pour cette raison, la majorité des réglementations exigent un traitement complémentaire avec désinfection des eaux usées.
Malgré les concentrations très faibles en microorganismes dans les eaux épurées, le risque de croissance biologique dans les systèmes de refroidissement est très important en raison de la présence de nutriments et des températures élevés. En plus du risque sanitaire, le développement bactérien peut produire des biofilms indésirables et des dépôts, ce qui peut altérer le transfert de chaleur et provoquer de la corrosion microbiologique et/ou le colmatage des échangeurs de chaleur et des buses d’aspersion. La méthode la plus utilisée pour limiter la croissance bactérienne dans les systèmes de refroidissement est l’ajout de biocides.
L’entartrage est un autre impact potentiel négatif de l’utilisation de l’eau recyclée comme eau de refroidissement. Le potentiel d’entartrage dépend des concentrations calcium, magnésium, sulfate, alcalinité, phosphate, silice et fluorure. Le type d’entartrage de plus courant est celui du phosphate de calcium, suivi par la silice et le sulfate de calcium (assez fréquents).
eau de chaudières
L'utilisation d'eau recyclée pour l’alimentation des chaudières diffère peu de l'utilisation de l’eau potable conventionnelle car un prétraitement de déminéralisation est toujours indispensable. Pour ce type d’usage, les exigences de qualité de l’eau recyclée dépendent de la pression de fonctionnement de la chaudière, les pressions plus élevées nécessitant de l'eau de meilleure qualité.
Les risques majeurs pour cette utilisation est l'accumulation de tartre et la corrosion des équipements. Pour limiter ces risques, en plus de l'élimination de la dureté, de l’alcalinité et des matières dissoutes, les concentrations de calcium, de magnésium et de la silice sont également limitées et contrôlées.
diversification des usages et réutilisation des eaux usées urbaines en industrie
Le progrès significatif des technologies de traitement des eaux usées, et notamment le développement des procédés à membranes, a favorisé la diversification des usages industrielles et la collaboration accélérée entre secteurs. Plusieurs projets de réutilisation d’eaux usées urbaines en industrie ont été mis en place les dix dernières années, principalement pour l’alimentation des tours de refroidissement et des chaudières dans l’industrie pétrochimique et de production d’énergie. Depuis 2000 par exemple, plusieurs raffineries en Californie ont adopté l'utilisation d'eau urbaine recyclée comme principale source d'eau de chaudière et de refroidissement.
L’usine de recyclage de l’eau de West Basin au sud de Los Angeles est l’une des plus grande usines de réutilisation au monde (capacité de 220 000 m3/j en 2015) et le leader mondial de la diversification des usages de l’eau recyclée. Cette installation a mis en œuvre pour la première fois le concept de production d’eau adapté à l’usage (« fit for purpose » et « designer water ») avec la distribution de cinq qualités d’eau, dont trois spécifiquement destinées aux industries (1) eau de refroidissement nitrifiée, (2) eau déminéralisée pour les chaudières basse pression et (3) eau déminéralisée de très haute qualité pour les chaudières haute pression.
La production d’eau recyclée pour l’alimentation des tours de refroidissement est assurée sur place par un traitement satellite par biofiltration de l’eau recyclée qui est distribuée pour l’irrigation et les autres usages urbains. Des bioréacteurs compacts et de haute productivité Biofor® sont utilisés pour la nitrification complète de l’eau avec des concentrations d'ammoniac résiduel au-dessous de la limite de détection de 0,1 mgN/L (concentration moyenne en entrée de 40 mgN/L).
L'eau d'alimentation des chaudières dans les raffineries nécessite un niveau beaucoup plus élevé de déminéralisation (tableau 37), ce qui est assuré par un traitement d'osmose inverse après un prétraitement par microfiltration. A titre d'exemple, les matières dissoutes ( TDS ) sont réduites de 800-900 ppm à environ 50 ppm pour l’alimentation des chaudières basse pression. Pour l’alimentation des chaudières à haute pression, une deuxième passe d’osmose inverse est effectuée pour réduire les matières dissoutes en dessous de 5 ppm.
usages urbains et municipal
La distribution d’eau non-potable en milieu urbain est une pratique assez ancienne (e.g. Los Angeles, Paris, San Francisco, etc.) qui connait un intérêt particulier durant les dernières années. En réponse aux sécheresses de plus en plus fréquentes et des pénuries d'eau, plusieurs grandes villes (e.g. en Australie, Chine, Espagne, Etats Unis, etc.) ont développé un réseau double de distribution d’eau recyclée pour l'irrigation et d’autres usages urbains. Les principales catégories de réutilisation de l'eau en milieu urbain sont les suivantes :
- L’irrigation d’espaces verts, qui est l’usage le plus commun et qui comprend l'irrigation des parcs publics ou privés, des terrains de sport, des ceintures vertes, des terrains de golf, ainsi que des zones résidentielles et des jardins privés.
- Autres utilisations urbaines tels que le nettoyage des rues, le lavage de voitures, la protection incendie, la climatisation, l’alimentation des chasses d'eau et certaines applications commerciales.
- Le recyclage en immeuble qui se réfère essentiellement au recyclage de l'eau dans les bâtiments de grande hauteur, y compris des immeubles de bureaux, des centres commerciaux et des immeubles résidentiels privés.
- Amélioration de l'environnement et les usages récréatifs pour la reconstitution et l’alimentation des plans d'eau, des lacs et des cours d'eau urbains, y compris ceux utilisés pour la natation (avec ou sans contact physique), les loisirs ou à des fins de pêche.
En règle générale, la réutilisation de l'eau en milieu urbain a besoin d'une infrastructure adéquate, et en particulier d’un réseau double de distribution. Les systèmes de distribution et de plomberie doubles sont relativement faciles et économiquement viables à installer dans les nouvelles zones urbaines et/ou des bâtiments neufs.
La protection de la santé publique est l’exigence la plus importante pour ce type de réutilisation en raison des risques de contact direct avec l’eau recyclée. De ce fait, les exigences de désinfection des effluents sont parmi les plus sévères pour les usages non-potables, et sont comparables à ceux de l’irrigation sans restriction des parcs et des espaces verts ouverts au public. Pour atteindre un tel niveau de traitement avec une désinfection quasi-totale, il est nécessaire de prévoir un traitement complémentaire de filtration et de désinfection après traitement biologique. En plus du suivi de la qualité de l’eau recyclée, un contrôle stricte et régulier des systèmes de distribution est préconisé, en particulier pour éviter tout risque d’interconnexion avec le réseau d’eau potable.
usages potables
Le progrès technologique dans le domaine du traitement de l’eau permet de produire une eau recyclée d’excellente qualité à partir des eaux usées urbaines, qui peut être même de meilleure qualité que l’eau potable issue de sources naturelles. De nombreuses études scientifiques ont démontré qu'il n'y a pas d'objections pertinentes pour la réutilisation des eaux usées épurées comme eau potable après un traitement approprié. Toutefois, les principales contraintes dans ce type d'utilisation sont d'ordre psychologique et culturel, avec la perception négative des eaux usées comme étant malsaines et irréversiblement contaminées.
Bien que non reconnu publiquement, de nombreuses villes dans le monde sont alimentées par des schémas de réutilisation non planifiée des eaux usées qui sont utilisées, peu ou moins diluées par des eaux de surface, pour la production indirecte d’eau potable. Par rapport à cette situation existante et très rependue, la réutilisation planifiée des eaux usées pour l’augmentation des ressources en eau potable présente un certain nombre d'avantages permettant de réduire les risques sanitaires et d'améliorer la rentabilité du traitement de l'eau et des eaux usées.
L'histoire à succès de la réutilisation des eaux usées épurée pour la production d'eau potable a commencé dans les années 1960s avec le projet de recharge de nappe à Montebello Forebay, Californie (1962) par infiltration d’eau recyclée et le premier projet de réutilisation directe comme eau potable à Windhoek, Namibie (1968). Depuis, l'expérience d’exploitation de ces projets et celle de plusieurs autres projets mis en œuvre depuis, a démontré la faisabilité de ce type de réutilisation et l'absence d'effets négatifs sur la santé publique.
Les pratiques les plus courantes de la réutilisation indirecte d’eau usées épurée pour la production d’eau potable comprennent :
- La recharge indirecte (via des bassins d’infiltration) ou directe (via des puits d’injection) des nappes phréatiques, utilisées pour la production d’eau potable ou comme barrière contre l’intrusion d’eau de mer saline ou d’eau polluée (e.g. filtration sur berge de rivière),
- La recharge de réservoirs de surface utilisés pour la production d’eau potable.
En raison des risques sanitaires élevés, liés aux éventuelles pollutions microbiologiques ou chimiques, les filières de traitement sont basées sur le concept des « barrières multiples » pour atteindre et assurer un degré d’efficacité et de fiabilité très élevé. Les exigences très sévères de sécurité pour la santé publique sont assurées non seulement par un traitement adéquat, mais aussi par le contrôle régulier et en continu de qualité de l'eau et de la fiabilité de chaque procédé individuel et par l’application de bonnes pratiques de gestion des projets.